L’amphithéâtre d’El Jem

L’un des mieux conservés et des plus grands de tout l’empire romain, l’amphithéâtre d’El Jem est un témoin majeur de l’apogée de l’Afrique romaine, qui apporta à la culture romaine sa touche particulière. Il est aussi un modèle d’architecture romaine portée à sa perfection, et apporte un éclairage précieux sur ces moments de folie collective qu’étaient les jeux romains. Le monument est inscrit sur la Liste du Patrimoine Mondial de l'Unesco.


Au cœur d’un plateau aride et monotone, entouré de constructions modestes, le grand amphithéâtre d’El Jem a toujours surpris les voyageurs par ses dimensions.

L’amphithéâtre a été en partie éventré aux XVIIe et XIXe siècles par les beys de Tunis pour empêcher des tribus rebelles de s’y réfugier. On dit que la Kahéna, célèbre reine berbère, y aurait soutenu un siège lors de la conquête arabe, au VIIe siècle.


Un édifice grandiose

L’amphithéâtre d'El Jem est le seul du monde romain à être entièrement construit en pierre de taille, sans emploi de briques. L’unité de mesure utilisée, la coudée punique, est une autre caractéristique locale.

Vaste ellipse dont le plus grand axe mesure 148 mètres, l’amphithéâtre d’El Jem a conservé intacts son arène, ses sous-sols ainsi qu’une grande partie de sa façade et de ses gradins.

Il est entièrement construit en grès dunaire. Cette pierre à la chaude couleur de sable, friable et peu résistante, a imposé une architecture massive, des arcades étroites et profondes qui créent un fascinant jeu d’ombre et de lumière.

L’imposante façade est sobrement rythmée par les colonnes engagées. Contrairement au Colisée de Rome, qui superpose les trois ordres classiques – dorique, ionique puis corinthien –, celui d’El Jem se limite à deux styles de colonnes, corinthien et composite.

Ce choix de la simplicité sublime la beauté de la pierre, et confère au monument une harmonie qui a fait de tous temps l’admiration des voyageurs et des historiens.


Les jeux du Cirque

Construit au début du IIIème siècle après J.-C., l’amphithéâtre d’El Jem a également bénéficié de plusieurs décennies d’expérience des ingénieurs et architectes romains.

Par sa structure, où le nombre égal de voûtes et d’arcades annule les poussées mécaniques au niveau de la façade ; par l’aménagement ingénieux des accès et des circulations, permettant l’entrée et l’évacuation rapide de trente mille spectateurs, il est plus élaboré que son modèle de Rome.

Ainsi, les multiples entrées et escaliers, spécifiques pour chacun des étages, permettaient au public de gagner directement les différents gradins.

Les couloirs de service, vestiaires et cellules des fauves témoignent aussi des progrès accomplis dans la conception des amphithéâtres. Aménagés dès l’origine sous l’arène, ils facilitaient grandement l’organisation des spectacles.

Ainsi, les bêtes sauvages pouvaient être hissées par des monte-charge directement sur l’arène, et les serviteurs circulaient dans les galeries souterraines recouvertes d’un plancher amovible sans croiser les processions qui ouvraient les jeux et empruntaient, elles, les entrées d’honneur situées aux deux extrémités de l’amphithéâtre.

Les mises en scène de combats de bêtes sauvages étaient particulièrement prisées par les habitants de l’Afrique romaine. Moins intéressés par les combats de gladiateurs, ils étaient férus de “venationes”, spectacles de fauves attaquant leurs proies, ou reconstitutions de chasses dont les héros, les bestiaires, étaient adulés par le public.

Ces scènes sont abondamment représentées sur les mosaïques tunisiennes, spécialement celles découvertes sur le site d’El Jem. 



La ville de Thysdrus

Car cet amphithéâtre était la plus belle parure d’une ville antique du nom de Thysdrus, où s’étendaient des villas aussi vastes et luxueuses que celles de Carthage ; des villas ornées de somptueuses mosaïques finement nuancées, reflétant fidèlement la vie et les préoccupations de leurs contemporains. 


C’est grâce au commerce de l’huile d’olive que Thysdrus s’était enrichie. Terre de culture de l’olivier depuis les Carthaginois, la Tunisie en était devenue le principal fournisseur de Rome. Et Thysdrus occupait un emplacement stratégique, à la rencontre de six voies romaines, entre les immenses oliveraies de Tunisie centrale et les ports de la côte.

La cité connut un rapide essor et devint une éphémère métropole régionale, avant de sombrer dans l’oubli après le IIIème siècle.


L’âge d’or de Thysdrus – vers les IIème et IIIème siècles après J.-C. – fut aussi celui de toute l’Afrique romaine ; le rayonnement de celle-ci allait de l’art de la mosaïque – qui a acquis en Tunisie ses lettres de noblesse – à la littérature, notamment avec les écrivains chrétiens Tertullien et saint Augustin.

Par ses dimensions exceptionnelles et sa perfection architecturale, l’amphithéâtre d’El Jem est un témoin majeur de cette place singulière qu’occupa la Tunisie antique.

Centres d’intérêt :

La façade se distingue par son harmonie. Elle recourt à deux ordres architecturaux seulement, contre trois au Colisée de Rome : ordre corinthien (à feuilles d’acanthe) au rez-de-chaussée et au troisième étage, et ordre composite (mêlant volutes et feuilles d’acanthe) au deuxième étage et probablement à l’étage supérieur, aujourd’hui disparu.


L’arène et les souterrains sont exceptionnellement bien conservés. Remarquablement fonctionnels et d’aspect monumental, les cellules et couloirs de service ont été aménagés sous l’arène dès la conception de l’édifice (les amphithéâtres plus anciens les plaçaient à l’extérieur ou sous les gradins, une position moins commode pour l’organisation des jeux).


La province de Byzacène – région de Thysdrus (El Jem) et Hadrumète (Sousse) – excellait dans l’art de la mosaïque. Elle a créé un style “fleuri” enrichi de motifs végétaux et d’arabesques. Parmi ses thèmes de prédilection, on trouve les combats de bêtes sauvages et la procession de Dionysos, dieu très populaire qui aurait eu, enfant, le pouvoir de dompter les fauves.



Comme les modernes stades de football, les amphithéâtres devaient permettre l’entrée et l’évacuation sans bousculade d’une foule en effervescence de plusieurs dizaines de milliers de spectateurs. Les flux de spectateurs s’écoulaient dans des galeries avant de se déverser sur les différents secteurs de gradins par les ouvertures appelées vomitoires.

© G. Mansour, “Tunisie, patrimoine universel”, Dad Editions, 2016


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